Cahier de doléances

Cahier de doléances de Rieussec en 1789

Le cahier de doléances de la communauté de Rieussec, rédigé lors de la préparation des Etats-Généraux de 1789 a été écrit le 13 mars 1789, en vue des élections des députés de la sénéchaussée de Carcassonne. C’est un des rares cahiers du diocèse de Saint-Pons qui ait été conservé. Il fait état de revendications politiques très générales, qui dépassent largement le cadre de cette petite communauté villageoise.

Cahier de doléances, plaintes et remontrances de la Communauté de Rieussec Minervois,
diocèse de St-Pons-de-Thomieres, sénéchaussée de Carcassonne, dressé dans l’assemblée générale de lad. Communauté tenue ce jourd’hui, treizième mars mil sept cent quatre vingt neuf, et convoquée au son de la cloche pour la nomination des députés à l’Assemblée générale de lad. Sénéchaussée de Carcassonne, en conséquence des ordres de Sa Majesté qui ont été adressés à la dite communauté par Monsieur le Lieutenant général de Lad. Sénéchaussée.

  1. L’assemblée générale a unanimement délibéré de supplier Sa Majesté de vouloir faire une réforme dans l’administration de la justice, de prendre des moyens sages et équitables pour qu’elle soit plus expéditive (sic), moins coûteuse et moins onéreuse à ses sujets, et pour cet effet de vouloir établir un présidial dans chaque ville épiscopale de son royaume.
  2. D’assurer la liberté de tous les individus du royaume par l’abolition de l’audace du pouvoir arbitraire.
  3. D’accorder la diminution des impositions territoriales, soit par une meilleure répartition, soit par la soustraction de certaines dépenses qui frappent seulement sur le Tiers-Etat, comme par exemple la confection des travaux publics, les gages des officiers dont les fonctions intéressent généralement tous les individus et qui ne sont payés et acquittés que par les seuls taillables, et enfin toutes les dépenses qui par leur nature doivent être à la charge de tous les sujets.
  4. Que les semences généralement quelconques soient rendues et déclarées exemptes de dîme et tasques, droits onéreux et injustes. Attendu que les décimateurs et les fruits prenants et les seigneurs n’ont droit de dixme et de tasque que sur les fruits, que la semence n’étant pas un fruit, mais un fond attaché à la terre duquel elle ne peut être séparée, ils n’ont aucun droit pour cela.
  5. Que la dîme soit rendue égale et uniforme dans tout le royaume.
  6. Que la dîme des agneaux et des fourrages soit abolie, et qu’il ne soit pas remis au décimateur de prendre que le seul droit de dîme de la laine.
  7. Que tous les privilèges pécuniaires des deux premiers ordres soient entièrement abolis, que tous les impôts généralement quelconques soient répartis également sur tous les sujets du royaume, que les biens nobles soient encadastrés et que les personnes privilégiées soient additionnées au rôle de la capitation et qu’on ne puisse à l’avenir établir aucun impôt sans le consentement de la nation.
  8. Que la milice soit abolie, comme un impôt vexatoire qui frappe seulement sur le Tiers-Etat, vu qu’on peut se passer de ces troupes qui sont d’ailleurs toujours très mauvaises par la forme des enrôlements volontaires.
  9. Que tout casuel soit aboli et supprimé, et qu’il plaise à Sa Majesté de pourvoir tous les pasteurs d’un revenu honnête et suffisant des biens de l’Eglise.
  10. Que la gabelle soit totalement supprimée, comme denrée de première nécessité et comme un impôt désastreux et qu’à cet effet le sel soit rendu marchand.
  11. Qu’il soit défendu sous de fortes peines d’accaparer les bleds et qu’il plaise à Sa Majesté de défendre l’exportation de cette denrée dans l’étranger avant qu’on ait connu le vrai produit de la récolte pendante, sans aucun égard pour les bleds vieux, qui pourraient exister à cette époque.
  12. Que les décimateurs ou fruits prenants soient à l’avenir chargé en seuls de la construction et entretien des églises et presbytères.
  13. Qu’il plaise à Sa Majesté d’accorder à cette province une nouvelle forme de Constitution pour les Etats de la province, par laquelle les trois ordres soient librement représentés et dans une juste proportion, et une nouvelle organisation pour les assemblées diocésaines qui seront composées des plus fort contribuables.
  14. Qu’il soit fait un tarif général et uniforme pour tous droits du fisc.
  15. Que l’élection des officiers municipaux soit rendue à toutes les villes et bourgs, attendu qu’elles leurs appartient de droit naturel, surtout dans la province du Languedoc, contre lequel l’usurpation des seigneurs ne peut faire un titre.
  16. Enfin, qu’il soit fait une vérification du territoire de cette communauté et du diocèse qui supporte le double des charges par une erreur intervenue lors du compoix général, ce qui a été démontré visiblement aux Etats de la province. Et que Sa Majesté veuille bien accorder à cette communauté, ainsi que de tout temps elle en a joui, la liberté de dépaissance et du chauffage dans les autres forêts de la présente communauté et de Vélieux.

Signatures: P Tournié, premier consul, Tournié, P. Vidal, G Francès, François Cabart, By Guilbert, Cabart, Calmetes, Cairol, Paulé, J. Fraïsse, Jean Fraysse, Fabre, Pierre Cros, Cabart, Malric, Joseph Fraisse, Cebe

Établi par Christian Roussel